2023
Thèse
NAAR Joseph
Modélisation du cycle de l'eau actuel et des derniers âges glaciaires de la planète Mars.
Directeurs.rices de thèses : FORGET F.
Fiche
Composition du jury
François Forget (LMD) : Directeur de thèse
Susan Conway (LPG) : Rapportrice
Didier Paillard (LSCE) : Rapporteur
Sylvain Bouley (GEOPS) : Examinateur
Anni Määttänen (LATMOS) : Examinatrice
Franck Montmessin (LATMOS) : Examinateur
Aymeric Spiga (LMD) : Examinateur
Mike Wolff (Space Science Institute) : Examinateur
Résumé
La présente thèse s’inscrit dans le projet de recherche européen « Mars Through Time » dont l’objectif est le développement de modèles numériques de climat pour étudier les paléo-environnements martiens. L’accumulation d’observations spatiales et géologiques depuis les années 1970 montre que Mars n’a pas toujours été le désert froid et aride que l’on connaît aujourd’hui. En particulier, elle a connu des périodes glaciaires pendant lesquelles la planète était couverte de glace jusqu’aux moyennes latitudes, au cours des dernières centaines de milliers d’années de son histoire. A l’image de la Terre, ces âges glaciaires sont déclenchés par les variations des paramètres orbitaux, entraînant des changements climatiques spectaculaires. Les périodes de plus haute obliquité (l’obliquité est l’angle entre l’axe de rotation de la planète et le plan de révolution autour du soleil) correspondent à la mise en place des formations géologiques glaciaires en dehors des régions polaires. Les précédents travaux de modélisation suggèrent que les rétroactions avec le cycle de l’eau provoquent des changements climatiques importants, mais peinent à expliquer la chronologie de l’évolution de la surface inférée par les observations géologiques.
Le Modèle de Climat Global de Mars est développé en continu au Laboratoire de Météorologie Dynamique. Les précédents travaux de développement du modèle ont permis d’améliorer indépendamment certains détails de la modélisation du cycle de l’eau actuel, mais leur combinaison a dégradé les grandes caractéristiques du cycle de l’eau par rapport aux observations spatiales.
La première partie du travail présenté dans le manuscrit a consisté à compléter, améliorer et recalibrer le modèle du cycle de l’eau actuel. De nouveaux processus physiques, en particulier la prise en compte de la chaleur latente pour le givre ainsi que la dépendance en température de l’énergie de nucléation des nuages, ont été inclus et améliorent le réalisme du cycle de l’eau actuel dans le modèle.
En particulier, le module de microphysique des nuages du modèle calcule plusieurs processus indépendants dans un sous-pas de temps dédié. Le couplage entre ces différents paramètres était mal pris en compte par le modèle. La deuxième partie du travail consiste à intégrer un sous-pas de temps adaptatif dans le modèle, afin de permettre un couplage correct des mécanismes de la microphysique des nuages. Le cycle de l’eau actuel dans le modèle reste toutefois sensible à la résolution temporelle d’intégration, et une analyse détaillée montre que cela résulte du couplage entre la microphysique des nuages et les autres processus physiques.
Des expériences numériques sur l’évolution du cycle de l’eau de Mars pendant les derniers millions d’années, qui incorporent toutes les améliorations apportées au modèle, sont présentées dans la troisième partie du manuscrit. Durant cette période, l’obliquité de Mars a connu des oscillations importantes, dont les phases hautes correspondent aux âges glaciaires. En augmentant l’obliquité dans le modèle, l’effet de serre des nuages de glace d’eau, de second ordre dans le climat actuel, devient prépondérant. Dans les régions polaires, il est contrebalancé par le refroidissement dû à la chaleur latente de la glace. La combinaison de ces effets induit un climat modélisé significativement plus chaud et humide qu’aujourd’hui.
Dans ces expériences, la modélisation des rétroactions des propriétés thermophysiques de la glace, et en particulier de l’albédo, provoque la mise en place d’une couche de glace pérenne dans les hautes latitudes de Mars en provenance de la calotte polaire Nord. Dans le modèle, cette transition vers un climat glaciaire apparaît dès l’augmentation de quelques degrés de l’obliquité. Ces deux résultats correspondent à des variations climatiques possibles, cohérentes avec les scénarios d’évolution de la surface de Mars établis à partir des observations géologiques.
Les expériences de modélisation du climat menées dans cette thèse suggèrent que l’ensemble des études précédentes est à reprendre, puisque l’effet radiatif des nuages de glace d’eau et la chaleur latente de la glace n’étaient pas modélisés. D’autres processus physiques tels que l’effet radiatif de la vapeur d’eau, l’évolution de la glace en sous-surface ou encore l’effet de la contamination de la poussière sur la sublimation de la glace, ne sont pas encore pris en compte dans le modèle et sont susceptibles de jouer un rôle important dans la modélisation du climat à plus haute obliquité.
Abstract
This thesis is part of the European research project « Mars Through Time », which aims at developing numerical climate models to study Martian paleoenvironments. The accumulation of geological observations with spatial missions since the 1970s has shown that Mars was not always the cold, arid desertic planet we know. Specifically, it has experienced glacial periods during which the planet was covered by a water-ice mantle all the way to the mid-latitudes, during the last million years of its history. Just like Earth, these ice ages were triggered by variations in orbital parameters, leading to dramatic climate changes. Periods of higher obliquity (obliquity is the angle between the planet’s rotation axis and the plane of revolution around the sun) correspond to the formation of glacial geological features outside of the polar regions. Previous modeling work suggests that the feedback between the water cycle and other components of the climate system causes significant climate changes but struggles to explain the timeline of surface evolution inferred from geological observations.
The Mars Global Climate Model is continuously developed at the Laboratoire de Météorologie Dynamique. Previous work on the model development work has improved certain details of the current water cycle modeling, but their combination has degraded the major features of the water cycle compared to space observations.
The first part of the work presented in the manuscript consisted of completing, improving and recalibrating various parameters related to the current water cycle. New physical processes, notably latent heat of frost sublimation and the temperature dependence of cloud nucleation energy, have been included to enhance the realism of the current water cycle in the model.
In particular, the cloud microphysics module of the model calculates multiple independent processes within a dedicated sub-time step. The coupling between these different parameters was poorly accounted for by the model. The second part of the work involved integrating an adaptive sub-time step into the model to allow proper coupling of cloud microphysics mechanisms. However, the current water cycle in the model remains sensitive to the temporal integration resolution. Detailed analysis show that this is due to the coupling between cloud microphysics and other physical processes.
Numerical experiments on the evolution of Mars’ water cycle over the last few million years, including all the improvements made to the model, are presented in the third part of the manuscript. During this period, Mars’ obliquity experienced significant oscillations, with high phases corresponding to ice ages. By increasing obliquity in the model, the greenhouse effect of water ice clouds, which is neglectible in the current climate, becomes dominant. In polar regions, it is offset by cooling due to the latent heat of ice sublimation. The combination of these effects results in a modeled climate that is significantly warmer and wetter than today.
In these experiments, modeling the feedbacks of the thermophysical properties of ice, especially albedo, leads to the development of perennial ice deposits in high latitudes of Mars, supplied by the North polar cap. In the model, this transition to a glacial climate appears with just a few degrees of obliquity increase. These two findings offer a coherent explanation for possible climate variations consistent with surface evolution scenarios of Mars established from geological observations.
The climate modeling experiments conducted in this thesis suggest that all previous studies need to be revisited, as the radiative effect of water ice clouds and the latent heat of ice were not previously modeled. Other physical processes such as the radiative effect of water vapor, the evolution of subsurface ice, and the impact of dust contamination on ice sublimation are not yet included in the model and are likely to play a significant role in modeling climate at higher obliquity.